Kiku Matsuri
Le festival des chrysanthèmes
Kiku Matsuri est une fête traditionnelle japonaise qui a lieu le 9 septembre. Sous le thème du chrysanthème, fleur liée à la santé et à la longévité, elle était l’une des célébrations les plus populaires de l’ancien calendrier lunaire et ponctuait les fêtes des moissons. Aujourd’hui tombée en désuétude, elle reste annonciatrice de l’automne et de la floraison prochaine des chrysanthèmes.
Kiku Matsuri, également appelée Kiku no sekku ou Choyo no sekku (重陽の節句), a lieu le 9 septembre. C’est une des 5 fêtes sekku (節句) marquant le passage des saisons, avec :
- le 1er janvier (nouvel an) ;
- le 3 mars (Hina Matsuri, la fête des poupées ou fête des filles) ;
- le 5 mai (Kodomo no Hi, la fête des enfants) ;
- et le 7 juillet (Tanabata, la fête des étoiles).
L’ancien calendrier luni-solaire, abandonné au début de l’ère Meiji (1868 - 1912), plaçait cette fête au 9ème jour du 9ème mois, à une période intense de travaux agricoles et notamment de récolte du riz. Dans le calendrier actuel, cela correspond aux alentours de la mi-octobre, période effective de début de floraison des chrysanthèmes et de fêtes des moissons (comme les festivals Kunchi Matsuri à Nagasaki et à Karatsu).
La date elle-même appelait à des rituels, puisque le chiffre 9 en japonais peut se prononcer ku, un phonème évoquant la souffrance, qui semblait donc pouvoir redoubler ce jour-là.
Les origines de Kiku Matsuri
C’est à l’époque de Heian (794 - 1185) que Kiku Matsuri a été importée de Chine au Japon. La fleur de chrysanthème était déjà au cœur de cette célébration, en tant que symbole de jeunesse et de vie éternelle. La Cour Impériale japonaise consacrait des banquets en son honneur au 9ème jour du 9ème mois, espérant bénéficier de ses supposés bienfaits sur la longévité. Les fleurs étaient utilisées pour des rituels de purification car elle avait pour réputation d’éloigner le mal.
Ces croyances étaient portées par la légende de Kikujido (nom japonisé signifiant "jeune homme aux chrysanthèmes"). Ce favori de l’empereur de Chine, banni à la suite d'intrigues de cour, serait parvenu à vivre 700 ans en conservant son apparence juvénile, grâce aux nombreux chrysanthèmes poussant dans son lieu d’exil et à sa consommation de kikuzake, le saké 🍶 de chrysanthème. Selon les versions, sa longévité aurait été aussi liée à sa piété, car il recopiait des sutras sur des pétales de chrysanthèmes.
Début de l’intérêt pour la fleur
La culture du chrysanthème, très ancienne en Chine, a été importée au Japon à la même époque que Kiku Matsuri. On en trouverait toutefois des mentions dès le VIIIe siècle, dans le Man’yoshu, la plus ancienne compilation de poèmes du Japon.
La fleur connaît un engouement certain au pays du Soleil Levant, d’abord auprès des empereurs :
- l’empereur Saga (784 – 842), féru de culture chinoise, avait fait aménager une "île aux chrysanthèmes" sur l’étang de son jardin, dont une partie subsiste aujourd’hui au temple Daikaku-ji ;
- un peu plus tard, l’empereur Go-Toba (1180 -1239) est le premier à utiliser la fleur de chrysanthème à 16 double-pétales comme blason, qui est repris par plusieurs de ses successeurs ;
- le chrysanthème devient l’emblème officiel de la famille impériale en 1926 (d’où le nom de "trône du chrysanthème"), et figure sur les passeports japonais.
L’attrait pour cette plante gagne rapidement la population, et sa culture devient très populaire au cours de l’époque Edo (1603 - 1868), où l’on cherche à améliorer les plants, si bien que l’on trouverait 350 variétés de chrysanthèmes rien qu’au Japon. Les expositions et concours de chrysanthèmes commencent à se développer et atteignent leur apogée à l’ère Meiji, avec l’ouverture du pays au monde et aux différentes pratiques horticoles occidentales et chinoises.
Comment fête-t-on Kiku Matsuri ?
Durant l’époque Edo, Kiku Matsuri était la plus importante fête sekku. La célébration de la fleur de fin d’automne venait en contrepoint à celle du prunier au printemps 🌸. À l’occasion de Choyo no sekku, les poupées de Hina Matsuri 🎎 étaient ressorties et ornaient de nouveau les maisons. On les appelait alors "poupées d’automne" (Aki no hina, 秋の雛) ou encore Nochi no hina (後の雛, "poupées d’après"). Cette tradition est depuis tombée en désuétude et n’est quasiment plus honorée.
Aujourd’hui, la célébration intervient en 2 temps : le 9 septembre et entre mi-octobre et mi-novembre, période couvrant le 9ème mois de l’ancien calendrier lunaire, et la floraison des chrysanthèmes.
Le 9 septembre, des rituels ont lieu principalement dans les sanctuaires Shinto pour favoriser la bonne santé et la longévité. Certaines traditions anciennes se perpétuent comme :
- boire du kikuzake (菊酒), un saké où ont été déposés des pétales de chrysanthème, pour la longévité. Autrefois, on pouvait consommer des fleurs de chrysanthème saumurées ;
- confectionner un kikumakura (菊枕, "oreiller de chrysanthème") en introduisant dans son oreiller un petit sachet de fleurs de chrysanthème séchées au soleil. Le parfum de la fleur favoriserait un sommeil de qualité, tout en repoussant les mauvais esprits ;
- la pratique du kisewata (被せ綿), qui consiste à envelopper de coton des fleurs de chrysanthème la veille du 9 septembre. Le coton récolté le lendemain s’est imbibé du parfum et de l’humidité des fleurs et son utilisation dans une routine cosmétique est réputée retarder le vieillissement de la peau.
2ème période de célébration : de la mi-octobre à la mi-novembre
Kiku Matsuri, le festival des chrysanthèmes, désigne aussi la période d’épanouissement de ces fleurs, célébrée dans tout le pays par des expositions variées, à l’image de ce que proposaient les périodes Edo et Meiji. Leur grande variété permet de laisser libre cours à l’imagination et de proposer de multiples mises en scènes : en simple pot à 3 fleurs géantes, en compositions plus élaborées rappelant des feux 🔥 d’artifices, en saynètes à base de bonsaï de chrysanthème, ou en kiku ningyo (菊人形, "poupée chrysanthème"), des personnages grandeur nature dont les vêtements sont décorés ou composés de fleurs de chrysanthème multicolores et de toutes sortes.
En ce début d’automne, on consomme des aliments de saison riches en nutriments, comme les châtaignes, accommodées avec du riz (kuri gohan), toujours avec l’idée de préserver sa santé et allonger son espérance de vie. Les sushi 🍣 et sashimi peuvent aussi être servis avec du chrysanthème jaune : la fleur n’est pas seulement décorative, ses pétales peuvent être dégustés après les avoir trempés dans la sauce shoyu accompagnant le plat, pour y apporter une dimension supplémentaire. Les pâtisseries traditionnelles wagashi prennent aussi la forme de petites fleurs de chrysanthème.
Où voir Kiku Matsuri
Certains sanctuaires Shinto et quelques temples bouddhistes tiennent des cérémonies le 09 septembre :
- au sanctuaire Kamigamo à Kyoto, le rituel de prière pour de bonnes récoltes et une bonne santé est accompli par des prêtres qui dansent et chantent en imitant les corbeaux ; il est suivi d’une distribution de kikuzake, et d’un tournoi de Sumo dont les participants sont des enfants.
- au temple Horin-ji à Arashiyama, les moines récitent en chœur des sutras.
Les expositions florales sont visibles entre la mi-octobre et jusqu’au 2ème tiers de novembre, selon les lieux et notamment :
À Kyoto
- le temple Daikaku-ji, historiquement lié à l’introduction de la fleur au Japon, organise tous les ans Saga Kikuten, l’exposition des chrysanthèmes de l’empereur Saga, du 1er au 30 novembre.
- le jardin botanique de Kyoto présente une grande exposition de chrysanthèmes entre le 20 octobre et la mi-novembre.
À Tokyo
- Sugamo Nakasendo Kiku Matsuri, du 06 au 14 novembre, où sculptures de fleurs et allées de chrysanthèmes géants s’exposent en différents lieux du quartier de Sugamo, en particulier aux temples Edo-roku Jizo-son Shinsho-ji et Kogan-ji.
- Bunkyo Kiku Matsuri, du 1er au 22~23 novembre se tient au sanctuaire Yushima Tenmangu près de Ueno. 2.000 plantes cultivées par une association horticole locale y sont exposées et reçoivent environ 100.000 visiteurs chaque année.
- au sanctuaire Meiji-jingu, du 3 novembre (anniversaire de l’empereur Meiji) jusqu’au 23.
- au sanctuaire Kameido Tenjin à l’est de Tokyo, non loin d’Asakusa et de la Tokyo SkyTree ; il est connu pour ses glycines mais expose aussi des chrysanthèmes du 22 octobre au 23 novembre.
- le temple Zenyo-ji à Edogawa accueille depuis 1967 Yôgô kiku taikai, du 16 octobre au 23 novembre : une présentation d’environ 1.000 pieds de chrysanthèmes.
- à Shibamata, la maison Yamamoto-tei propose une petite exposition qui englobe également la célébration de Shichi-Go-San, entre la fin octobre et la fin novembre.
- le jardin japonais de Shinjuku Gyoen abrite une exposition de chrysanthèmes sur la 1ère moitié de novembre.
À Osaka
La capitale économique du Kansai est ornée de chrysanthèmes en différents lieux, comme son château 🏯 ou le temple Shitenno-ji, entre la fin octobre et jusqu’à la mi-novembre environ.
- la plus grande foire au chrysanthème au monde a lieu au parc des expositions Kokkaen, sur une île artificielle près de l’aéroport KIX à Osaka. La All Japan Chrysanthemum Exhibition se tient généralement du 20 octobre au 23 novembre et son entrée est gratuite.
- la ville de Hirakata (préfecture d’Osaka) a son Hirakata Kiku Festival du 25 octobre au 13 novembre et est spécialisée dans la présentation de personnages en chrysanthème.
Le début de l’automne et la pleine floraison des chrysanthèmes, qui dure pratiquement 1 mois, font partie des moments idéaux pour visiter le Japon. Selon les conditions climatiques, les voyageurs les plus chanceux pourront même admirer les premiers koyo 🍁 à partir de la seconde moitié de novembre.